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« A toi qui t’en vas » est un recueil de nouvelles issu de la plume savoureuse du Père Destin AKPO, prêtre du diocèse de Lokossa en république du Bénin. Écrit en hommage à l’un de ses fils spirituels de vénérée mémoire, le séminariste Christian Kouassi Victoire FANOUDAN, ce recueil est un creuset idéal pour l’auteur d’exprimer tout son attachement à cet être cher à son cœur et à sa vie de prêtre. Le départ d’un être cher étant toujours un poignard enfoncé dans le cœur de l’aimant, le départ tragique de ce fils ainsi que de l’un de ses compagnons constitue ici la ligne de crête de cette œuvre qui se voudrait être un dernier adieu aux êtres qui s’en vont : « Partir, c’est mourir un peu » dit-on. Mais quand le départ est pour toujours, sans autre consolation et probabilité de retour que celle des souvenirs entretenus, seule la mémoire gardée permet de maintenir en soi et autour de soi l’être disparu.
Paru en août 2021 aux éditions Savanes du continent, le recueil de Nouvelles « A toi qui t’en vas » de Destin AKPO composé de sept nouvelles (La blague qui ne fait pas rire ; Faut pas ça va dormir dans tes oreilles et mourir dedans ; Elle s’appelait Isabelle ; Polygame impuissant ; Danse et cendres ; Peter Shi et A toi qui t’en vas) est réparti sur 151 pages.
La blague qui ne fait pas rire
Dans la première nouvelle portant sur « La blague qui ne fait pas rire », l’auteur situe son histoire dans le cadre d’une classe de CI où les enfants, confrontés à leur maître intransigeant sur ces principes, arrivent à exprimer cependant leur naturel. Au nombre de ces élèves atypiques, se trouve une petite fille Awajijè qui était constamment punie et renvoyée par le maitre qui ne l’aimait pas du tout à cause de son manque de propreté et de respect. Pendant qu’Awajijè était considérée comme le paria de la classe, sa camarade de classe Bella, longtemps demeurée dans la même classe de CI était considérée comme la protégée du maître. Parmi les congénères dont elle était la doyenne d’âge, elle était la seule qui parvenait à s’exprimer et lire l’alphabet français. Insultée et ridiculisée par Awajijè, la grosse Bella entreprit une folle course contre elle pour la corriger. Agile et frêle, la petite Awajijè parvient à la semer et à s’enfuir. Bella jura alors de se plaindre chez ses parents en allant chez son arrière-grand-mère. Face à l’insubordination de son arrière-petite-fille, l’arrière-grand-mère raconta à Bella comment elle a perdu sa fille et sa petite-fille dans des circonstances tragiques mais qui lui laissaient à chaque fois une progéniture dont elle ne connaissait pas les géniteurs.
Le lendemain, Bella ayant reçu du maître une partie de son repas, l’offrit généreusement à Awajijè sous le regard ahuri du maitre qui lui demanda la source du changement de son attitude envers sa camarade. Elle raconta au maitre l’histoire d’Awajijè. Celui-ci de nuit se rendit chez l’arrière-grand-mère d’Awajijè ayant compris à la faveur de cette histoire qu’Awajijè était sa fille. Il avait fait une mauvaise blague à sa bien-aimée lorsqu’il avait appris qu’elle était enceinte en refusant que l’enfant ne lui appartenait pas. Une blague qui ne fait pas rire, car elle a brisé. Comment expliquer à cet enfant que lui le maître intransigeant envers lui était en même temps son père qui l’avait rejeté ainsi que sa mère ?
Faut pas ça va dormir dans tes oreilles
L’auteur de ce récit lors d’un vol d’Istanbul-Cotonou, fit la rencontre d’un jeune ivoirien qu’il croyait sportif ou musicien. Les divers échanges lui firent comprendre que celui-ci était plutôt un immigré rapatrié. Adama Traoré, jeune tailleur à Yamoussoukro décida d’aller en Europe pour réussir sa vie tout comme les aventuriers qui revenaient très riches. Il décida d’aller en aventure après les conseils de l’un de ses amis revenu de l’Europe qui lui indiqua des passeurs et la voie à suivre pour rejoindre l’Europe très facilement. Cette aventure qui devrait se solder par l’acquisition de la richesse et la gloire devient très tôt pour le jeune Adama une série de drames, de déceptions et de désillusion. Du Burkina en Algérie et de l’Algérie en Lybie, il dut faire face à la faim, à la violence policière, aux rançonnages et même à la prison. Cette aventure, ne laissa pas cependant le jeune Adama dans le désarroi car il décida dès qu’il en aurait l’occasion de refaire ce parcours migratoire pour améliorer sa condition de vie et celle de sa famille, l’Europe étant le seul Eldorado capable de combler ses désirs.
Elle s’appelait Isabelle
La jeune Isabelle faisait partie de cette élite intellectuelle difficilement indétrônable de sa classe. Xlélété son concurrent principal en classe usait de toutes ses capacités physique et psychique pour réduire l’écart de moyenne qui subsistait entre Isabelle et lui. Pour y parvenir, il décida de réduire même ses moments de distraction afin d’exceller davantage. Ces efforts ne lui permirent pas de répondre à son désir. Cependant ils l’aidèrent à améliorer ses diverses notes. En vacances, le jeune Xlélété pour subvenir à ses besoins décida d’aller travailler en main-d’œuvre afin de préparer sa rentrée et d’aider sa mère qui était pauvre. C’est là qu’il rencontra Isabelle qui était venue accompagnée de sa mère qu’elle venait de retrouver fortuitement, visiter leur maison en construction. Dans un premier moment, il décida de fuir le regard de celle-ci en allant se cacher mais il décida de la saluer. Isabelle compris alors que Xlélété était un garçon qui se débrouillait. Elle commença alors à s’intéresser à lui. À la fin de leur examen du BAC, les deux obtinrent la mention honorable et furent envoyés aux études. Durant ces études, Xwélété apprit à connaître Isabelle ainsi que son histoire. Elle avait en effet, perdu son feu père qui était un politicien remarquable et sa mère qui dut s’exiler pour éviter les représailles politiques. Seule, dans sa famille d’accueil, Isabelle fut obligée de vendre ses charmes dans une buvette pour subvenir aux besoins de sa famille. Malgré ce passé troublant, ils firent le mariage. Enceinte après plusieurs tentatives, Isabelle perdit la vie au cours de l’accouchement après celle de son enfant. Xwélété découragé par la perte de ces vies si chères à lui qui s’en sont allées pour toujours, décida de se plonger dans l’alcool.
Polygame impuissant
L’auteur présente dans cette nouvelle un couple de polygame dont le mari était un grand forgeron. À la recherche d’un héritier, Mionkan dû se résoudre à prendre une seconde femme après les sept filles de sa première femme Takanon. La cohabitation devient dès lors très difficile entre les deux coépouses qui ne perdaient aucune occasion de se faire du mal. C’est ainsi que Takanon la première épouse entreprit de tuer tous les fils de sa coépouse sous le coup de la jalousie en les empoisonnant. Ses deux filles jumelles ayant consommé le repas avec les fils de sa coépouse moururent instantanément. Un drame né de la jalousie et du mal pernicieux qu’est la polygamie. Des êtres chers s’en vont de manière dramatique et inhumaine sans aucun mobile que celui de la méchanceté entretenue et nourrie.
Danse et cendres
Alougba Axwayoo est une jeune fille remarquable par sa beauté et par sa danse qui subjuguait facilement les hommes de son village par son charme. Plusieurs parmi eux ont d’ailleurs tenté au risque de leur appauvrissement fournir la plus grosse dot afin de l’acquérir comme leur dulcinée. C’était sans compter sur la famille de celle-ci qui usait de subterfuge pour refuser la main de ces prétendants à qui elle trouvait chaque fois des défauts. Au cours d’une veillée de funérailles, la jeune Alougba se fit remarquer par sa danse qui la propulsa dans un groupe de danseuses d’un jeune rasta venu participer à l’événement et qui eut la chance de danser avec elle. La danse lui permit de se faire connaitre dans tous les bars et discothèque et même du Président qui la fit Commandeur de l’Ordre National lors de la fête de l’indépendance. Craignant se faire faner et vieillir très tôt par l’accouchement, Alougba évitait de se mettre en couple pour construire une famille. Tous les hommes qui entraient dans sa vie n’étaient que des papillons qui venaient se délecter le temps d’un instant pour disparaître après. Elle avait l’argent et la gloire mais manquait de l’essentiel, un homme sérieux pour fonder une famille. Les nombreuses tournées auprès des charlatans et marabouts ne l’aidèrent en rien. La veille de son mariage avec un ancien commandant, elle se suicida laissant une lettre pathétique à ses fans en leur expliquant la discordance entre sa vie de façade réussie et celle triste de solitude qu’elle vivait.
Peter Shi
Konnar et Peter Shi se sont aimés d’un amour interdit. Un amour qui n’aurait pas dû exister entre deux hommes. Konnar sous l’effet de la tristesse causé par la relation instable avec sa femme fit la rencontre dans un bar de la place de Peter Shi. Empli de bière et d’amertume, Konnar trouva très tôt en Peter Shi, un confident et un amant. Un amour qui survivra aux affres de la vie que subirent Konnar comme la perte de son boulot. Cependant, un soir il découvre que sa femme l’avait trompé et ce avec son amant à lui, Peter Shi grâce au parfum qui se dégageait autour d’elle. Dans une lettre qu’elle laissera à son mari, Foukam lui apprit que les enfants qu’ils avaient n’étaient aucunement de lui et qu’elle était en face terminale d’un cancer. Konnar se plongera dans l’alcool pour oublier ses déboires et sa souffrance.
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À toi qui t’en vas
Cette nouvelle qui a donné son nom à toute l’œuvre est une dédicace à Christian FANOUDAN, ami et fils spirituel du Père Destin. Ayant appris la mort dramatique de son protégé, le Père décida de le porter en prière. Après les obsèques de celui-ci, il prit le vol pour son voyage. C’est en voyage qu’il reçut une lettre de son ami et fils Bill Fabroni qui désirait partager par écrit les différents moments passés avec Christian et l’immense vide qu’il laisse en sa vie. À toi qui t’en vas, à toi qui pars avec une partie de nous, nos joies et nos peines, nous ne t’oublierons jamais. Tu demeures gravé en nos cœurs.
Critique
La Nouvelle « A toi qui t’en vas » est une œuvre qui se laisse aisément lire et comprendre. L’auteur essaie de maintenir en haleine le lecteur en essayant chaque fois de déjouer les pronostics de celui-ci. Écrit dans un style abordable, l’auteur réussit à mêler rires et pleurs, joies et tristesse. Dans la tristesse causée par celui qui s’en va, demeure toujours une joie : celle de se revoir un jour ainsi que l’existence éternelle de la personne bien-aimée dans nos cœurs. « A toi qui t’en vas » voudrait aussi porter au langage l’onomastique africaine avec des noms typiquement africains ou ayant une connotation africaine et plus précisément béninoise. Les noms des sujets représentent déjà une certaine prémonition de leur vie et œuvre. C’est ainsi que le nom de Takanon représentera dans la nouvelle « Polygame impuissant », une personne subtile et rusée qui essaie d’utiliser les événements à son actif en puisant de sa rationalité.
Élisée DAH,
Grand séminaire de Tchanvédji
Références
Destin Akpo, A toi qui t’en vas, Cotonou, Éditions savanes du continent, 2021.